S’il est difficile de prédire l’avenir, le S&OP (Sales and Operations Planning) permet aux entreprises de mieux se préparer pour faire face aux vagues de croissance, aux opportunités, ainsi qu’aux obstacles qui pourraient se présenter sur leur chemin. Un avantage concurrentiel dans le contexte actuel, estime Frédéric Gaurier, consultant-formateur chez Trencadis qui livrera une conférence à ce sujet le 31 octobre prochain. Un déjeuner-conférence organisé par l’Académie d’excellence entrepreneuriale.
Le S&OP – aussi appelé Planification Industrielle et Commerciale (PIC en français) – permet d’aligner les opérations avec la stratégie globale de l’entreprise. Frédéric Gaurier compare cet outil aux techniques des chercheurs d’or du Klondike qui tamisaient le gravier du plus gros au plus fin pour en extraire le précieux métal. « C’est un peu la même chose avec le S&OP, puisqu’il permet d’identifier les défis majeurs et les opportunités les plus importantes en anticipation. Sans ce processus, les grosses roches tombent directement sur le terrain et les employés réagissent comme ils le peuvent, sans vision stratégique. »
Ce type de planification, bien qu’existant depuis une cinquantaine d’années, n’a été adopté que par 20 % des entreprises dans le monde, rappelle ce Français d’origine qui, après une carrière dans des entreprises d’envergure comme Mitsubishi, PwC, Louis Vuitton et KPMG, s’est lancé dans le domaine de la consultation. Au total, Frédéric Gaurier est intervenu dans plus de 120 entreprises dans 20 pays.
Cinq étapes vers le succès
Découpé en cinq étapes, le processus S&OP est comme le GPS de l’entreprise, permettant aux dirigeants de choisir la voie à suivre et de s’assurer que leurs équipes rament dans la même direction. « L’objectif est d’aligner toutes les fonctions exécutives, soit les achats, la production, les ventes, la finance, la R&D, le marketing, les ressources humaines, autour d’une planification commune », explique l’expert.
D’abord, l’équipe de direction doit se projeter sur un horizon à moyen et long terme, soit entre 3 et 24 mois, et réfléchir à son portefeuille de produits ou de services. Faut-il augmenter la cadence en vue de Noël, la ralentir, ajouter un nouveau produit, développer ou retirer un service pour répondre aux besoins du marché?
À partir de ces hypothèses, il faut vérifier sur le terrain quelles seraient les conséquences de tels changements. Pour avoir l’heure juste, le consultant explique qu’il faut établir plusieurs scénarios, du plus pessimiste au plus optimiste selon les principaux risques et opportunités identifiés. « On passe ensuite à l’étape suivante, c’est-à-dire de vérifier comment satisfaire cette demande avec les ressources dont on dispose, en se concentrant seulement sur celles qui sont critiques. » Si jamais il y a un écart (trop ou pas assez), on propose alors des solutions possibles pour le combler, comme embaucher, acheter une nouvelle machine ou sous-traiter une partie du travail, donne-t-il en exemple.
Ensuite, la direction financière analyse les différents scénarios sur la table et simule de manière simplifiée le bilan, le compte de résultat, les investissements…. À la lumière de ces données, les dirigeants sélectionnent ensemble la meilleure option et utilisent cette hypothèse de travail pour le prochain cycle de planification. Si cet exercice peut ressembler à une planification stratégique, la principale différence est que ce processus redémarre chaque mois, indique Frédéric Gaurier. « Ce cycle permet de prévoir et de réagir aux événements futurs en réajustant le tir chaque mois », précise-t-il.
Du plus petit au plus grand
Cette méthode s’applique tant aux entreprises de services qu’à celles qui commercialisent des biens, selon l’expert. « En fait, toutes les organisations, peu importe leur taille ou le secteur où elles œuvrent, peuvent appliquer les principes S&OP et auraient avantage à le faire », estime-t-il. Le consultant cite en exemple une entreprise du domaine agroalimentaire qui a vu son chiffre d’affaires passer de dix à soixante millions de dollars en quatre ans.
Le S&OP a permis aux dirigeants de prendre les bonnes décisions d’investissement suffisamment tôt pour faire face à l’augmentation de la demande, avec un modèle d’affaire flexible, plutôt que de réaliser tardivement qu’il leur manquait un type de compétence, une usine, des employés.
-Frédéric Gaurier, consultant-formateur chez Trencadis
Dans un contexte où les changements se profilent à vitesse grand V, l’implantation d’un tel processus permet donc aux entreprises de conserver une longueur d’avance face à la concurrence. « Un des principaux avantages, c’est qu’il est possible de s’adapter en permanence au contexte et d’ainsi mieux gérer les risques, comme une rupture dans la chaîne d’approvisionnement ou un changement dans les habitudes des consommateurs », explique-t-il. Cette capacité à anticiper permet aussi d’optimiser l’utilisation de ses ressources, de limiter le gaspillage, de réduire ses inventaires et d’éviter les ruptures de stock.
« Il existe différents outils pour mettre en place un tel processus dont le niveau de sophistication dépend du type d’industrie, ainsi que des produits et services offerts par l’organisation. Mais c’est le facteur humain qui fait une réelle différence. », ajoute Frédéric Gaurier. « L’investigation des risques, des scénarios et la recherche de solutions repose avant tout sur le savoir-faire des exécutifs et de leurs équipes. Cela demande une direction engagée, qui a n’a pas peur de se commettre, de collaborer et de pousser plus loin la réflexion. » Bien utilisé, le S&OP permet de canaliser les forces de chacun pour bâtir collectivement l’avenir, de manière robuste et adaptable, conclut-il.