Rachel Asselin : l’art de conjuguer travail agricole, famille et vie personnelle

Cultiver la terre tout en élevant sa famille est très prenant : il est facile de s’oublier, de s’isoler et de s’épuiser à la tâche. Copropriétaire des Cultures Mara, Rachel Asselin en sait quelque chose : elle a dû apprendre à se fixer des limites et à prendre soin d’elle pour regagner son équilibre.

En 2016, Rachel Asselin et son conjoint se sont lancés dans la production de sureau, un petit fruit rustique du Québec. « On prenait tout de même un risque, puisque cette culture demande de la patience. Il faut attendre cinq ans avant d’en récolter les premiers fruits », explique-t-elle. Aujourd’hui, Cutures Mara compte un verger biologique de dix acres, situé sur la terre familiale.

Un parcours qui n’a pas été sans sacrifices : jusqu’à l’obtention de son diplôme en gestion d’entreprise agricole, en 2019, la jeune femme a partagé son temps entre sa terre, ses études collégiales et un emploi à l’extérieur. Son conjoint aussi ne comptait pas ses heures, alors qu’il travaillait chez un important producteur agricole de sa région. « Il nous est déjà arrivé de fêter la Saint-Valentin sur un tracteur, en mangeant une poutine », se rappelle-t-elle.

En 2021, le couple rachète la ferme familiale des beaux-parents de Rachel, ajoutant 200 acres en grande culture (blé, soya et autres céréales en rotation) à leur production. La même année, la jeune femme quitte son emploi chez Desjardins pour donner naissance à son premier enfant. Dès lors, elle investit toute son énergie à faire croître la ferme familiale; un choix qu’elle poursuit après l’arrivée de sa benjamine, en 2024. Vente de fleurs et de fruits de sureau, de boutures et de tisanes, se sont ajoutés au fil du temps.

Conserver son équilibre dans le domaine agricole, un défi

Semer, récolter, réparer les bâtiments, développer de nouveaux projets : le travail dans le domaine agricole est très prenant. Sans compter le stress lié à la météo, aux insectes nuisibles ou même au coût des grains – transigé à la bourse. Entre les obligations familiales et le travail de la terre, il est donc facile de dépasser ses limites.

C’est ce qui est arrivé à Rachel Asselin durant l’été 2024. « Le jour, je récoltais les fleurs de sureau et, après avoir couché les enfants, je descendais à mon bureau jusqu’à 1h ou 2h du matin. Je dormais ensuite jusqu’à 5h30 d’un sommeil entrecoupé par les réveils du bébé. » Un rythme impossible à soutenir à long terme. « J’ai poussé ma machine à son maximum. Et à un moment donné, j’étais devenue une boule de mécontentement. »

À bout, Rachel Asselin réalise alors que ce rythme est malsain, tant pour elle que pour ses enfants. Elle consulte donc une travailleuse sociale et une mentore, pour y voir plus clair.

« Cela m’a aidé à faire le tri et à réfléchir pour prévoir comment ma famille et moi allions passer les prochains mois. » D’abord, elle délaisse certaines activités, notamment au sein du conseil d’administration de la garderie de ses enfants, et repense ses heures de travail.

Aujourd’hui, Rachel Asselin s’est fixé un horaire de travail précis. Chaque jour, elle termine à 16h, plutôt qu’à 16h45. « Je suis moins fatiguée et le repas est servi plus tôt. Les enfants doivent manger au gros maximum à 17h30, 18h, sinon, cela perturbe leur routine et leur humeur! »  La fin de semaine, le couple s’accorde une demi-journée pour travailler à tour de rôle, et réserve un moment pour une activité en famille. Rachel n’hésite pas non plus à demander un coup de pouce à sa mère ou à envoyer des lasagnes congelées au four pour souper, quand le temps lui manque.

Apprendre à lâcher prise

Mais surtout, Rachel a appris à prioriser et… à relativiser. « J’ai réalisé que ma liste de tâches ne sera jamais vide. Il est donc inutile de courir après cela. Et je dois me rappeler qu’on ne fait pas des opérations à cœur ouvert! » Chaque début d’année, elle et son conjoint s’assoient ensemble pour établir la liste de leurs priorités pour les douze prochains mois. Et le couple revient régulièrement sur ces prévisions. « Quand l’un de nous deux est sous pression, on se vide la tête. On prend un moment pour nommer toutes nos obligations, comme rappeler une personne ou poser une trappe à écureuils. Ensuite, on fait le tri pour déterminer ce qui est prioritaire ou non. »

Son suivi avec sa mentore, tout comme le fait de participer à différentes formations et rencontres destinées aux entrepreneurs, l’a aussi aidée à prendre un certain recul sur sa situation. « Il y a trois ans, je ne me voyais pas vraiment comme une entrepreneure, parce que je travaillais dans le domaine agricole. Mais aujourd’hui, je réalise que je vis les mêmes enjeux que les autres, les mêmes galères et que je mérite pleinement ce titre! »

Sortir de la solitude

Ces rencontres lui ont aussi permis de briser l’isolement, un enjeu majeur dans le domaine agricole. « Notre groupe d’amis s’est beaucoup réduit au cours des dernières années un peu par notre faute : nous étions tellement occupés entre la ferme et les enfants qu’on n’acceptait jamais les invitations. Mais c’est important d’entretenir ces liens, d’avoir une vie sociale. » Maintenant, ils sortent avec leurs amis en alternance, chaque vendredi. Certaines activités, comme du hockey de rue ou un voyage entre amies, sont aussi à l’horaire.

Pour sortir de la maison, Rachel Asselin a également accepté, en octobre 2025, un poste de responsable des communications au sein de sa municipalité, Saint-Jacques-de-Leeds. Cet emploi à temps partiel – de dix heures par semaine – agit comme une bouffée d’air frais dans son horaire. « Mon conjoint et moi sommes passionnés, si bien qu’on est toujours en train de parler de notre entreprise. On en mange! Cela me fait vraiment du bien d’avoir un emploi où, quand j’arrive à 9h, je mets en veilleuse ces préoccupations. Maintenant, j’aimerais trouver une façon de faire en sorte que mon conjoint et moi puissions décrocher ensemble. »

Son meilleur conseil, c’est justement de ne pas s’oublier en cours de route. « Si on ne pense pas à soi, personne ne le fera à notre place. C’est vraiment important de se rappeler qu’on existe aussi en dehors du travail. » Prendre soin de soi constitue donc la meilleure stratégie pour conserver l’équilibre entre les différentes facettes de sa vie!

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