
Julie Beaudoin carbure à l’action. Avec ses associés, elle gère 33 restaurants Subway. Longtemps, elle a enchaîné les semaines de 70 heures, sillonné des milliers de kilomètres entre ses établissements, et jonglé avec la gestion de 400 employés. Mais un jour, même cette infatigable entrepreneure a dû lever le pied. Frôlant l’épuisement, elle a entrepris une transformation de sa manière de travailler à la recherche d’un meilleur équilibre de vie.

Très tôt dans sa vie, Julie Beaudoin a su qu’elle voulait se lancer en affaires. « J’ai toujours apprécié le fait de gérer les choses à ma manière, d’avoir beaucoup d’autonomie. Et, quand j’aime quelque chose, je donne mon 200 %. Je pense que j’ai aussi du leadership, car on m’a systématiquement proposé plus de responsabilités dans mes différents emplois. » Ce fut le cas chez Subway, où elle a commencé à travailler pendant son secondaire. Rapidement, elle a grimpé les échelons pour devenir gérante puis directrice d’une vingtaine de restaurants.
Voyant en elle tout son potentiel, son patron de l’époque lui a offert l’opportunité d’acheter des parts pour être copropriétaire avec lui et son autre associé, en 2010. « J’ai vraiment eu la chance de tomber sur cette personne merveilleuse qui est maintenant mon ami depuis trente ans. Il a vu à quel point je travaillais fort, si bien qu’il était prêt à s’associer avec moi pour acheter d’autres restaurants. » Depuis, le groupe a évolué et est présent dans plusieurs villes, dont Drummondville, Farnham, Victoriaville et Sherbrooke.
Mettre la main à la pâte
Rapidement, Julie Beaudoin a pris en charge tout le volet ressources humaines et opérations, une responsabilité taillée sur mesure pour elle. « C’est parfait, car je suis capable de faire huit affaires en même temps! Je suis une fille d’action, si bien que je ne peux pas rester assise toute la journée. » Un travail qui lui demande une grande présence auprès des équipes en place.
« Avant la pandémie, je me rendais dans chacun de nos restaurants une fois aux six semaines environ. J’effectuais plusieurs suivis sur le terrain, pour vérifier la température des réfrigérateurs ou la rotation des aliments. Je regardais aussi s’il y avait des pertes ou encore si les équipes avaient trop commandé par rapport à leurs ventes »
Une contrainte exigeante, alors que Julie Beaudoin doit conduire parfois près de deux heures pour aller d’un restaurant à l’autre. « En un an, je parcourais entre 30 000 et 32 000 km, estime-t-elle. Avec tout ce temps passé en déplacement, je devais m’occuper de toute la portion administrative de mon travail le soir et la fin de semaine. Mes semaines devaient compter autour de 60 heures. C’était trop. »
Une cadence difficile à soutenir
Après l’achat de sept nouveaux établissements à Sherbrooke en 2020, ce rythme est devenu difficile à maintenir. Sans compter qu’au même moment la pandémie est arrivée, augmentant la pression sur les épaules de Julie Beaudoin, qui devait répondre aux urgences et pallier au manque fréquent de personnel. « J’allais souvent dans mes restaurants pour donner un coup de pouce aux équipes en place, en préparant des sous-marins ou en lavant la vaisselle », raconte-t-elle.
Résultat : cette gestion de crise l’a laissée à bout de souffle.
« Je n’ai jamais eu besoin de dormir beaucoup, mais j’en étais à deux ou trois heures de sommeil par nuit. C’était difficile de me motiver à m’entraîner, alors que ça a toujours fait partie de mon quotidien. J’avais aussi l’impression que mon cerveau était dans la brume. C'est mon médecin qui a tiré la sonnette d’alarme. »
Remettre le travail à sa (juste) place
Surmenée, Julie Beaudoin a alors compris qu’elle devait revoir ses priorités. « Je n’aurais pas pu continuer à un tel rythme. C’était cela, ou je vendais. » La clé pour retrouver l’équilibre? Apprendre à déléguer. « Le premier geste que j’ai posé, c’est de coacher mon équipe qui compte huit directrices pour qu’elles se sentent à l’aise de prendre leurs propres décisions. Ce sont elles maintenant qui supervisent le travail des gérants. C’est sûr que tout n’est pas toujours fait à ma façon, mais c’est important de leur faire confiance, de leur laisser de la latitude. Si elles commettent une erreur, je ne vais jamais leur reprocher, mais plutôt les aider à corriger le tir. »
Depuis, Julie Beaudoin n’effectue plus la tournée systématique de ses établissements, ce qui lui fait gagner beaucoup de temps. « Je suis quand même très présente et prête à me rendre dans un de mes restaurants au besoin. Mais aujourd’hui, j’organise plutôt une rencontre par mois avec toutes mes directrices. » De plus, comme pendant la pandémie, l’entrepreneure met à profit la technologie pour assurer un contact constant avec ses équipes et veiller à distance au bon déroulement des opérations. « Le télétravail prend aussi beaucoup plus d’importance dans mon horaire. Même si je suis toujours disponible en cas d’urgence, je n’ai pas besoin de travailler systématiquement le soir et la fin de semaine. »
Mieux concilier toutes les sphères de sa vie
Cette flexibilité lui offre une plus grande liberté. « Nous avons un bateau et, comme mon mari est enseignant, il est en congé l’été. Je me permets maintenant de prendre mes courriels sur l’eau certains après-midis et d’assister au coucher du soleil ou tout simplement de m’installer sur ma terrasse pour travailler. Je ne m’accordais pas ce genre de permission avant, car j’avais l’impression que je devais en donner toujours plus. »
Ralentir la cadence lui dégage également plus de temps pour s’entraîner, une activité essentielle à son bien-être. « Bouger me permet non seulement de faire le plein d’énergie, mais aussi de préserver ma santé mentale parce que cela libère différentes hormones, comme les endorphines. Je pense d’ailleurs que c’est ce qui m’a aidée à ne pas sombrer quand j’ai vécu des périodes plus difficiles. »
À l’aube de la cinquantaine, Julie Beaudoin estime que la recherche d’équilibre évolue au fil des années, tout comme ses valeurs. Son conseil pour conserver le sien? Ne pas s’oublier. « Si tu ne fais que travailler, c’est sûr que tu vas tomber un moment donné, même si tu es très énergique. Il faut donc prendre du temps pour se ressourcer, que ce soit en jouant au tennis, en courant ou en peignant, en fonction de ce qu’on aime. » C’est aussi essentiel de réaliser que le boulot, ce n’est pas la seule chose qui compte.
« La famille, les amis, le sport, c’est aussi très important. Je dirais que c’est le travail d’une vie de trouver cet équilibre permettant de conjuguer toutes les facettes de sa vie. »